dimanche 12 août 2012

- Les Deux Pigeons

je dédie ce message à mes deux voisins de 87 ans . Jamais l'un sans l'autre . Monsieur avec sa canne , et Madame toujours tirée à quatre épingles , un petit mot gentil, pommettes roses et chapeau bien mis . UN brin de douceur dans notre monde agité. Madame n'a pas survécu six mois au départ de son compagnon .Plus de soixante ans de vie , commune, "soulier contre soulier". J'admirais cette espèce de mimétisme qui fait , qu'on est rassuré . Quand on voit l'un, l'autre n'est pas loin . Alors j'espère que maintenant vous volez libres dans le ciel, l'un prêt de l'autre ! LES DEUX PIGEONS Deux Pigeons s'aimaient d'amour tendre. L'un d'eux s'ennuyant au logis Fut assez fou pour entreprendre Un voyage en lointain pays. L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire ? Voulez-vous quitter votre frère ? L'absence est le plus grand des maux : Non pas pour vous, cruel. Au moins que les travaux, Les dangers, les soins du voyage, Changent un peu votre courage. (1) Encore si la saison s'avançait davantage ! Attendez les zéphyrs : qui(2) vous presse? Un Corbeau Tout à l'heure annonçait malheur à quelque Oiseau. Je ne songerai(3) plus que rencontre funeste, Que Faucons, que réseaux (4). Hélas, dirai-je, il pleut : Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut, Bon soupé, bon gîte, et le reste ? Ce discours ébranla le coeur De notre imprudent voyageur ; Mais le désir de voir et l'humeur inquiète L'emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point : Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ; Je reviendrai dans peu conter de point en point Mes aventures à mon frère. Je le désennuierai :quiconque ne voit guère N'a guère à dire aussi(5). Mon voyage dépeint (6) Vous sera d'un plaisir extrême. Je dirai : J'étais là ; telle chose m'avint(7) ; Vous y croirez être vous-même. A ces mots en pleurant ils se dirent adieu. Le voyageur s'éloigne ; et voilà qu'un nuage L'oblige de chercher retraite en quelque lieu. Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage Maltraita le Pigeon en dépit du feuillage. L'air devenu serein, il part tout morfondu, Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie, Dans un champ à l'écart voit du blé répandu, Voit un Pigeon auprès : cela lui donne envie : Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un las (8 ) Les menteurs et traîtres appas. Le las était usé : si bien que de son aile, De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin. Quelque plume y périt : et le pis du destin Fut qu'un certain vautour à la serre cruelle, Vit notre malheureux qui, traînant la ficelle Et les morceaux du las qui l'avaient attrapé, Semblait un forçat échappé. Le Vautour s'en allait le lier(9), quand des nues Fond à son tour un aigle aux ailes étendues. Le Pigeon profita du conflit des voleurs, S'envola, s'abattit auprès d'une masure, Crut, pour ce coup, que ses malheurs Finiraient par cette aventure ; Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié Prit sa fronde, et, du coup, tua plus d'à moitié La Volatile (10) malheureuse, Qui, maudissant sa curiosité, Traînant l'aile et tirant le pié, Demi-morte et demi-boiteuse, Droit au logis s'en retourna : Que bien, que mal elle arriva Sans autre aventure fâcheuse. Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines. Amants, heureux amants , voulez-vous voyager? Que ce soit aux rives prochaines ; Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau, Toujours divers, toujours nouveau ; Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. J'ai quelquefois(11) aimé : je n'aurais pas alors Contre le Louvre et ses trésors, Contre le firmament et sa voûte céleste, Changé les bois, changé les lieux Honorés par les pas, éclairés par les yeux De l'aimable et jeune bergère Pour qui, sous le fils de Cythère (12), Je servis, engagé par mes premiers serments. Hélas! Quand reviendront de semblables moments? Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète? Ah! si mon coeur osait encor se renflammer! Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête? Ai-je passé le temps d'aimer?(13) Jean de la Fontaine

3 commentaires:

Anne-Marie a dit…

je ne connaissais pas ce poeme de la fontaine , ni la chanson d'Aznavour


mais c'est quoi cet éloge a être casanier, a vivre sans danger ...:)

mois je me reconnais dans


"Je reviendrai dans peu conter de point en point Mes aventures à mon frère. Je le désennuierai :quiconque ne voit guère N'a guère à dire aussi(5). Mon voyage dépeint (6) Vous sera d'un plaisir extrême. Je dirai : J'étais là ; telle chose m’advint"

c'est sujet qui mérite débat

bises

caroline a dit…

c'est drôle, mais moi c'est par l'évocation d'un souvenir que je fonctionne ....c'est un hommage a un couple agé qui vient de mourir ...à six mois d'intervalle ...et j'ai tjs pense que l'un ne survivrait pas à l'autre ....ils avaient le joli nom de Mr et Madame Pigeon! çà ne s'invente pas ! ...je les appelais aussi les petits poulbot ..
et ce poème m'est revenu ...c'est sûr c'est un type d'amour fusionnel que nous ne vivons plus de nos jours et c'est probablement vrai ...que dans un couple moderne les vers que tu as choisi est plus approprié ..mais c'est aussi dire qu'en sortant du nid pour vivre l'aventure , on peut y perdre quelque chose.ou revenir enrichi !!!

Anne-Marie a dit…

ils s'appelaient "Pigeons " c'est trop de hasard :)
effectivement
"Partir, c'est mourir un peu,
C'est mourir à ce qu'on aime:
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu."

En fait quand on part on abandonne mais on s'enrichit au passage ..que reste-t-il à la fin?

bises

D ' une année à l autre